Phyto 2000 Association des usagers de la phytothérapie

Association des Usagers de la Phytothérapie Clinique

PHYTOTHERAPIE : mode d'emploi

par Elisabeth CARILLON docteur en pharmacie


Pourquoi utiliser la plante entière?

A la différence du médicament classique qui a une action spécifique et liée à un principe actif isolé, la plante agit grâce à la multiplicité de ses composants. De plus ses différents principes actifs peuvent se potentialiser et/ou agir en synergie.

De ce fait, elle possède plusieurs propriétés. Toute la difficulté dans la prescription d'un traitement phytothérapique réside dans le choix de la "bonne" plante. Certaines propriétés étant plus marquées que d'autres, il est possible d'établir ainsi une carte des propriétés et des indications de la plante. Le médecin phytothérapeute devra trouver la ou les plantes correspondant le mieux à l'ensemble de la pathologie du patient sur le plan symptomatique. Mais aussi dans le cadre d'une approche du "terrain" comme nous l'avons définie, le prescripteur devra trouver la plante ou les associations de plantes qui vont être en mesure de corriger les déséquilibres à l'origine de la maladie. Les plantes seront choisies non seulement pour leurs actions sur les systèmes neurovégétatifs et hormonaux qui entrent en jeu dans la régulation de ces différents mécanismes mais pour leurs effets spécifiques sur les divers organes.

Il existe deux raisons principales pour lesquelles il est préférable d'utiliser la plante entière plutot que le principe actif isolé (usage allopathique) :

La première raison est qu'un constituant est rarement responsable à lui seul d'une activité donnée.

L'Aubépine par exemple est une plante cardiorégulatrice, hypotensive et antispasmodique, mais aucun des constituants isolés de l'Aubépine ne possède ces propriétés.


C'est vrai également pour l'Artichaut qui est une plante diurétique et cholagogue (favorise les sécrétions biliaires). Elle contient les acides malique, succinique et citrique mais aucun de ceux-ci ne possède les propriétés diurétiques et cholagogues globales de l'Artichaut. Par contre en les réunissant nous constatons une augmentation progressive de l'effet attendu qui s'approche de plus en plus de l'effet d'un extrait global d'Artichaut. C'est seulement lorsque l'ensemble des principes actifs connus est associé qu'on obtient alors un effet identique.

Tout cela est vérifié pour un très grand nombre de plantes dont l'activité est prouvée en laboratoire mais pour lesquelles il n'a pas été possible d'isoler et de mettre en évidence les principes actifs.

De là, découlent les notions de synergie et de potentialisation, c'est-à-dire que tel ou tel constituant a des effets augmentés, voire dynamisés par la présence d'autres constituants pouvant être présents à l'état de traces infimes.

Enfin, certaines plantes n'ont pas fait l'objet d'études précises de leurs constituants (faute d'intérêt ou de moyens), seule leur activité globale a été mise en évidence soit empiriquement, cliniquement, parfois pharmacologiquement.

Une deuxième raison d'utiliser la plante entière est que le principe actif isolé (donc intéressant à priori parce que l'on ne gardera qu'une propriété donnée plus facile à manier) nécessitera pour son utilisation bien souvent une posologie plus importante (absence de potentialisation ou synergie des autres constituants de la plante, moins bonne disponibilité physiologique (absorption, transport, interraction etc...). Cette posologie souvent trop élevée sera ainsi à l'origine de la puissance d'action recherchée, mais par contrecoup d'effets secondaires bien connus.

Par contre, en utilisant la plante entière l'action se trouve modulée : plus douce mais plus profonde et les effets secondaires liés à la puissance du principe actif isolé sont moindres.

Mais il faut bien avoir présent à l'esprit que si le médecin voulait obtenir avec de l'écorce de Saule blanc (qui renferme de l'acide acétyl salicylique), la même action qu'un comprimé d'aspirine (dont le nom chimique est l'acide acétyl salicylique), il serait obligé de prescrire de grandes quantités de cette écorce, et les effets secondaires liés à la présence de cet acide seraient alors du même ordre que ceux du comprimé.

C'est pourquoi les médecins phytothérapeutes utilisent généralement la plante dans des modalités d'association à effets synergiques, et la grande force de la phytothérapie clinique qui permet d'utiliser des plantes à doses modérées intégrées dans une stratégie thérapeutique très précise.

Connaître les plantes c'est d'abord les différencier sans erreur, selon leur aspect physique puis savoir les cueillir dans les lieux propices au bon développement de leurs principes actifs.

Par exemple la Lavande qui pousse en plaine a des propriétés toniques alors que la Lavande vraie poussant à une altitude supérieure à 700 m a des propriétés plus sédatives.

Les plantes sauvages doivent pousser dans les lieux éloignés de toute pollution, les plantes cultivées doivent être cultivées biologiquement.

Ensuite il faudra les ramasser au bon moment. En début de floraison pour les fleurs, avant et pendant la floraison pour les feuilles. Au début du printemps ou de l'automne pour les racines, à maturité pour les fruits.

La conservation se fera selon l'utilisation que l'on veut en faire afin que les plantes gardent leurs facultés thérapeutiques.

Pour les plantes en l'état (infusion, décoction, macération) une conservation supérieure à un an fait perdre plus de 50% de principes actifs.

Pour les préparations à base de plantes fraîches une chaleur supérieure à 100 oC (pour en améliorer la conservation) détruit les vitamines et les enzymes indispensables.

Enfin le conditionnement est important car il protège la plante des effets de l'oxydation.

Tous les maillons de cette chaîne : reconnaître et différencier, cueillir où et quand, conserver quelle partie et comment, selon l'usage que l'on veut en faire sont à respecter rigoureusement pour obtenir des plantes médicinales une efficacité maximale.

Comment utiliser la plante ?

La phytothérapie ayant profité des progrès de la technologie, on a recherché la forme galénique la plus appropriée, la plus stable, la plus efficace pour une action ou une plante donnée. Par conséquent une propriété donnée pour une plante, n'est pas forcément transposable tant qualitativement que quantitativement d'une forme galénique à une autre. L'oubli encore trop fréquent de cette notion est à l'origine de traitements mal construits donc inefficaces.

Un dosage précis du produit est tout à fait possible avec les huiles essentielles, les poudres ou les nébulisats, les teintures, les extraits.

La posologie peut alors être soigneusement adaptée suivant la toxicité de la plante, le problème à traiter ou le malade concerné.

La phytothérapie met à notre disposition tout un arsenal de formes galéniques dont il pourra être utile de reprendre les définitions précises.

Utilisation de la plante elle-même.

L' infusion est une solution résultant de l'action dissolvante de l'eau bouillante sur la plante. Celle-ci est plongée dans l'eau bouillante, la chauffe arrêtée, le récipient couvert.

La durée de l'infusion varie de 5 à 15 minutes suivant la plante. Elle est surtout employée pour les feuilles et les fleurs.

La décoction est une solution obtenue en faisant bouillir l'eau contenant la plante. Celle-ci est mise dans l'eau froide. L'ébullition varie de 5 à 15 minutes. Elle est surtout employée pour les écorces et les racines mais aussi pour les feuilles, les tiges ou les baies.

La macération consiste à mettre une plante dans un solvant froid (eau, vin, alcool, huile) pendant une période plus ou moins longue (de quelques heures à quelques semaines) afin d'en retirer les principes solubles.

Les poudres végétales sont obtenues par pulvérisation de la plante sèche. Elles peuvent être absorbées telles quelles ou sous formes de gélules. Ne pas les confondre avec les nébulisats !


Utilisation des produits d'extraction.

Les alcoolats sont obtenus par macération de la plante dans l'alcool puis distillation.

Les alcoolatures et teintures mères (T .M.) sont obtenues par macération de la plante fraîche dans l'alcool. Elles correspondent en général au 1/10° de leur poids de la plante déshydratée pour les T.M. et 1/5° pour les alcoolatures. Les teintures sont préparées grâce à l'action dissolvant de l'alcool sur la plante sèche et correspondent en général au 1/5° de leur poids de plante.

Les eaux distillées ou hydrolats sont surtout employés en usage externe ou comme aromatisants. Ils sont obtenus par distillation et contiennent les principes volatils de la plante.

Les macérats glycérinés sont utilisés pour les bourgeons, jeunes pousses, radicelles et tissus végétaux et constituent la forme d'application de la gemmothérapie. Ils sont obtenus par macération du produit dans un mélange successif d'alcool, d'eau et de glycérine. On les emploie en dilution à la première décimale (D1).

Les huiles essentielles, sont tirées des plantes aromatiques principalement par distillation à la vapeur d'eau ou par expression pour le zeste des agrumes par exemple.
Toutes les plantes ne donnent pas des essences et certaines en fournissent très peu donc sont très chères.

Les sirops sont préparés par l'addition de sucre et d'eau dans les proportions 2/3 - 1/3 auquel on incorpore le principe actif végétal.

Les extraits sont obtenus en évaporant une solution aqueuse, alcoolique ou éthérée d'une substance végétale.
Suivant l'importance de cette évaporation on distingue les extraits fluides, mous, fermes et secs.
L'avantage est la concentration du produit obtenu. Par exemple 1 gramme d'extrait fluide correspond à 5 g de teinture et 10 g de T.M.

Les nébulisats sont des extraits secs atomisés (dessiccation fine). Il faut être prudent car on peut avoir des concentrations de principes actifs qui peuvent être toxiques si les doses sont dépassées.

Les intraits sont des extraits particuliers que l'on obtient à partir de la plante stabilisée auparavant par des vapeurs d'eau ou d'alcool.

Les sucs sont des liquides résultant du broyage et de l'expression du végéta frais.


Les S.I.P.F sont des suspensions intégrales de plantes fraîches.
On utilise des plantes fraîches finement broyées, sous azote liquide à -100 °C et conditionnées dans une solution hydroalcoolique qui bloque les activités enzymatiques de la plante, évitant ainsi tout risque de modification ou de dégradation des principes actifs. Lors de l'utilisation par le patient des SIPF diluées dans l'eau, l'activité des enzymes contenues dans la plante peut reprendre normalement. Cette forme présente incontestablement des avantages certains qui sont ceux de la prescription d'une plante fraiche, sans déperdition de principes actifs contrairement à d'autres formes où l'on constate une importante dégradation de ceux-ci dans le temps.

En conclusion

De par la multiplicité de ses composants et donc de ses multiples actions, le maniement et l'utilisation de la plante sont bien loin d'être une chose simple.

En phytothérapie, il n'y a pas de recette et l'art du médecin phytothérapeute consistera à trouver la forme galénique la plus appropriée et la ou les plantes correspondant le mieux au profil du malade, à sa pathologie.

D'autre part la qualité du recueil des plantes, de leur conservation et de leur préparation est essentielle si nous voulons être en mesure de juger de l'efficacité d'un traitement phytothérapique.

Il est donc indispensable que le prescripteur connaisse parfaitement toutes les propriétés des plantes qu'il utilise et qu'il s'assure de la qualité du médicament phytothérapique prescrit.

C'est pourquoi l'un des objectifs prioritaires de PHYTO 2000 sera d'oeuvrer pour l'établissement de critères de qualité et le respect de ceux-ci pour les pharmaciens distributeurs de nos plantes-médicaments.