La
formation des médecins en Phytothérapie Clinique
par le Docteur Jacques Loubet
vice-président
de la Société Française d'Endobiogénie et
Médecine
Une
fois leur thèse obtenue, les médecins ont la possibilité
légale de traiter leurs patients avec les remèdes de leur
choix. Tout médecin peut donc prescrire une tisane, une huile
essentielle, une gélule de poudre de plante ou une substance
chimique.
Mais quelles motivations peuvent l'amener à prescrire des traitements
phytothérapiques ?
Il peut simplement désirer satisfaire la demande de certains
de ses patients, ou dans une démarche plus responsable, chercher
dans la phytothérapie une réponse qu'il espère
mieux adaptée aux problèmes soulevés par l'usage
des médicaments de synthèse et les limites auxquelles
la médecine officielle est confrontée.
En France, la phytothérapie n'étant pas enseignée
au cours des études médicales, les médecins qui
souhaitent l'étudier ont deux possibilités de formation.
A/- Au sein des Universités :
- en complément et en dehors du cursus obligatoire des études
médicales, l'Université de Bobigny dispense un enseignement
de phytothérapie traditionnelle sanctionné par un diplôme
;
- un enseignement est délivré dans des Facultés
de Pharmacie, à Montpellier et Bordeaux ; dans cette dernière
ville, il s'agit de cours de Phytothérapie Clinique, réservés
exclusivement à des étudiants en pharmacie de dernière
année, dans le cadre d'un certificat optionnel, qui ne sont en
fait qu'une initiation pour les sensibiliser à la complexité
de cette thérapeutique encore trop peu connue.
B/- Hors des Universités :
- l'autoformation
: les médecins peuvent se procurer des ouvrages de phytothérapie
(dont les auteurs ne sont pas forcément compétents), des
ouvrages de pharmacognosie ou des prospectus de laboratoires et ainsi
travailler par eux-mêmes. C'est ce qui se passe pour les médecins
débordés par une clientèle importante et qui ne
disposent pas du temps nécessaire à une formation plus
élaborée. Ils pensent ainsi être en mesure de répondre
à la demande de certains patients.
- l'inscription dans une société
savante médicale : Il
s'agit de sociétés composées de médecins
et autres scientifiques (pharmaciens, biologistes,...) qui s'adressent
à des étudiants de ces disciplines en fin d'études
ou même déjà entrés dans la vie active. Généralement
ces sociétés garantissent un minimum de sérieux
et de rigueur scientifique.
- l'inscription hors des sociétés
médicales : Il s'agit ici, de sociétés
créées par des personnes qui n'ont aucune formation médicale
ni même scientifique, à la culture douteuse, alléguant
parfois des diplômes étrangers pompeux derrière
lesquels se masque souvent une ignorance inquiétante des sujets
qu'ils ont l'ambition d'enseigner. Parfois il s'agit de "maîtres"
autoproclamés aux motivations rarement altruistes... Ces sociétés
sont ouvertes à tous, quelle que soit la formation ou l'absence
de formation de ces candidats au "Savoir". Plus le nombre
d'inscrits s'élève, plus la société "fructifie",
ce qui est le but premier de ces organisations. Le futur élève
est généralement attiré par l'apparente richesse
et la diversité des enseignements proposés, parfois baptisés
de noms ésotériques prometteurs.
La qualité douteuse des enseignants et les buts réels
poursuivis par de tels enseignements doivent amener le médecin
en recherche de formation à la plus extrême vigilance.
Il évitera alors de tomber dans le piège de ces associations,
plus apparentées à des sectes qu'à des structures
réelles de formation et se dirigera vers des sociétés
savantes médicales parmi lesquelles il devra faire un choix.
Contenu de l'enseignement
Pour choisir l'école à laquelle s'adresser, il faut savoir
qu'on doit distinguer deux phytothérapies : l'une traditionnelle
et l'autre clinique.
La phytothérapie traditionnelle
utilise les plantes médicinales pour leurs propriétés
admises et transmises par la tradition. Ainsi, pour favoriser le sommeil,
on conseille une infusion de tilleul, car on connaît depuis longtemps
les propriétés sédatives de cette fleur. De la
même façon, on peut utiliser des "recettes" diverses
en fonction des symptômes présentés par le patient.
Cette phytothérapie traditionnelle peut être utilisée
en première intention ou permet parfois de remplacer un médicament
chimique de synthèse (un somnifère par exemple) par une
plante ou une association de plantes. La démarche intellectuelle
qui conduit alors à la prescription du tilleul est la même
que celle qui conduit à la prescription du somnifère :
il y a insomnie, donc on prescrit un remède pour faire dormir.
Les écoles enseignant cette phytothérapie simple sont
les plus nombreuses. Si cette méthode thérapeutique permet
de régler des affections bénignes d'apparition récente,
elle devient totalement inefficace dans des pathologies sévères,
anciennes ou complexes. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a
été abandonnée par la médecine lors de l'avènement
des médicaments de synthèse.
La phytothérapie clinique
répond d'une autre démarche. Devant ce même trouble
du sommeil, le médecin va rechercher par l'interrogatoire du
malade s'il s'agit d'une difficulté d'endormissement ou bien
de réveils nocturnes à des heures particulières.
Il va rechercher la date et les circonstances d'apparition de cette
insomnie, il va déterminer la qualité du sommeil, le souvenir
ou non des rêves, les signes d'accompagnement, la fatigue matinale,...
Par un examen clinique complet et rigoureux et éventuellement
par des examens complémentaires (analyses diverses, etc...),
il va déterminer les causes de cette insomnie. Après une
étude du système sympathique, de l'équilibre hormonal,
de la chronologie des différents déséquilibres
constatés, etc..., il sera amené à prescrire non
pas forcément des plantes sédatives mais peut-être
un traitement à visée hépato-biliaire ou de régulation
des systèmes orthosympathique et parasympathique, ou de stimulation
de l'hypophyse ou bien d'autres fonctions dont le déséquilibre
participe à l'installation de l'insomnie.
Si le médecin désireux de pratiquer la phytothérapie
est informé de la différence entre ces deux pratiques,
il sera en mesure de faire un choix réel. Cependant, il doit
savoir que l'étude de la phytothérapie clinique nécessite
beaucoup plus de travail, d'efforts intellectuels, et donc de temps,
que celui requis par l'apprentissage de la phytothérapie traditionnelle.
Sa pratique est aussi beaucoup plus difficile et nécessite une
durée de consultation beaucoup plus longue que la moyenne. Enfin,
elle n'est enseignée qu'au sein de la Société Française
d'Endobiogénie et Médecine (ex-SFPA).
Organisation de l'enseignement à
la SFEEM
Dès 1978, la SFPA a délivré un enseignement.
Dans le cadre universitaire : de 1983 à 1987, c'est la Faculté
de Pharmacie de Lille qui a accueilli cet enseignement, de 1984 à
1986 c'est celle de Montpellier et depuis 1988 celle de Bordeaux.
A
l'étranger, d'autres Universités ont ouvert leurs portes
à la Phytothérapie clinique : celle d'Athènes,
de Sienne (Italie) et d'Abidjan.
La
faculté de pharmacie de Monastir
(Tunisie) propose, depuis 1990, un enseignement de la phytothérapie
clinique.
La
faculté de Mexico va démarrée un enseignement en
2003.
Hors de l'Université, à l'étranger, il s'agissait
de séminaires de formation pour des sociétés savantes
: l'American Society for Phytotherapy and Aromatherapy (Los Angelès),
la Société Espagnole de Phytothérapie (Barcelone),
la Société Belge de Phytothérapie, l'Association
Italienne de Phytothérapie (Turin) et l'Association Suisse pour
l'Enseignement Clinique de la Phytothérapie (hôpital cantonal
de Genève).
En France, la SFPA a dispensé son enseignement dans le cadre
des Associations pour le développement de la Phytothérapie
(APDP) dans différentes villes comme Marseille, Nantes, Rennes,
Strasbourg et bien sûr Paris.
Depuis six années la SFPA a décidé de suspendre
son enseignement en France. Les mesures gouvernementales prises en 1989
(déremboursement des préparations magistrales), la prolifération
d'associations douteuses, la folie de la mode des médecines douces,
l'ont amenée à ce retrait temporaire pour se consacrer
exclusivement à l'approfondissement théorique et clinique
de l'approche scientifique nouvelle qu'elle propose, et ne pas se commettre
avec les marchands du temple.
Aussi, le médecin désireux de s'initier aujourd'hui à
la phytothérapie clinique se trouve dans une situation difficile
: celle d'aller suivre les cours dans les facultés de certains
pays étrangers qui ont ouvert leurs portes à la SFEEM.
L'enseignement se répartit sur trois années sanctionnées
par un diplôme. La somme de connaissances à acquérir
étant importante pour pouvoir maîtriser cette thérapeutique,
il est très fortement conseillé de poursuivre par une
formation permanente.
En tant que phytothérapeutes cliniciens, nous souhaitons qu'une
telle situation ne perdure pas. Il est en effet anormal qu'en France,
berceau de la phytothérapie clinique, un médecin ne puisse
pas recevoir cet enseignement. Pour que sa mise en place soit réalisable,
il est indispensable que les pouvoirs publics prennent conscience de
sa nécessité pour l'avenir de la Santé Publique.
Les démarches que font certaines associations (dont PHYTO 2000)
pour soutenir notre vision des choses s'avèrent ainsi totalement
indispensables. Si le Ministère de la Santé, celui des
Universités nous demandent de reprendre l' enseignement, nous
le ferons bien sûr, car nous estimons qu'il est de notre devoir
de partager nos connaissances avec le reste de la profession médicale
afin que l'ensemble de la population puisse en bénéficier.
En attendant ce moment, et bien qu'ayant suspendu son enseignement oral
en France, la SFEEM poursuit avec énergie ses travaux de recherche
et continue de publier un certain nombre d'ouvrages notamment sous la
plume du Dr Duraffourd et du Dr J-C. Lapraz. En dehors des écrits
destinés aux médecins, un livre "grand public"
est en cours de parution et devrait être disponible d'ici quelques
mois. C'est aussi une façon de poursuivre l'enseignement, non
plus pour former quelques professionnels, mais pour informer l'ensemble
de la société de l'urgente nécessité de
repenser la médecine dans le respect des lois de la physiologie
de l'Homme.